12 août 2025 – Paros – Sérifos

Je ne crois pas avoir vécu traversée plus éprouvante.


Le Meltemi souffle sans arrêt depuis plus d’une semaine, alors que j’ai passé pratiquement trois semaines au mouillage de Paroikia, le port principal de Paros, à la fin de notre virée de Fratrie à Donoussa.


Bien sûr, il y a eu les ‘runs’ mémorables en kitesurf, pour lequel le vent a parfois même été trop fort…


Une image contenant plein air, eau, Loisir de plein air, récréation Le contenu généré par l'IA peut être incorrect.


Et puis, il y a eu cette dernière semaine avec Folle de Bassan  et ses trois Feux Follets… Un bon moment en famille.



Mais, le stationnement au mouillage amoindrit les sens marins.


La perception de la mer est faussée, et surtout, à attendre, on devient dépendant du temps : date de retour, ou de rendez-vous à un lieu donné. La situation météo devient alors secondaire, tandis qu’elle devrait primer toute considération de voyage nautique.


Ceci pour dire que le choix de date de départ vers notre (Amarante et moi.) port d’attache : Kilada en Argolide (Péloponnèse) avec une escale à Sérifos pour couper la durée de traversée, fut dicté par la date butoir du 18 aout, ce pour obligation personnelle.

Dans un tel cas, le moment du départ dépend de la moins mauvaise prévision météo disponible sur une semaine.


La moins mauvaise…


Météo du 12 pour rejoindre Sérifos



Météo du 14 pour traverser vers Kilada


Une image contenant texte, carte Le contenu généré par l'IA peut être incorrect.


Ce 12 aout, donc, j’appareille de nuit.


Le vent sur Paros est à 12 nœuds, mais la mer est formée : une longue houle, avec les vagues du vent qui se surajoutent.

Dans la nausée du manque de sommeil, les mouvements désordonnés du bateau pour le pied qui n’est plus marin depuis trois semaines, la chape de la nuit après les lumières du port :  les doutes se bousculent.

… J’ai bien tout fermé, l’annexe est arrimée, l’échelle de bain rentrée… et ce feu-là, c’est bien celui du récif de Portes, celui sur lequel un ferry s’est planté…

Je le serre sur mon tribord, car à bâbord, il y a des hauts fonds non balisés.


Beurk !


Je reste au moteur, en attendant le lever du jour, puis je mets à la voile.


La mer est dure, et l’arrimage de l’annexe prend du mou, ce qui la fait se balancer de bâbord à tribord. C’est impressionnant, mais pas question d’aller à l’arrière, reprendre du bout. Cela tiendra, il le faut.

Alors, je règle les trois voiles et le cap. Malgré l’effet de mer, équilibré, le bateau tient tellement mieux la mer à la voile qu’au moteur !


Deux heures après mon départ, dans ma veille mentale brumeuse, j’aperçois sur mon bâbord un voilier avec une drôle d’allure. Il ne semble pas bouger, et on ne distingue pas son gréement.

Je le passe sur bâbord, et comprends qu’il s’agit d’un voilier à la dérive, gréement arraché et pendant…




Le temps de mettre au moteur et de rentrer la voilure, je lance un PAN-PAN par VHF. La réponse du JRCC grec est immédiate : je fournis à Olympia Radio mon identité nautique, mon numéro de téléphone, ma position et la description de la situation.


Puis je fais trois fois le tour de l’épave, en me rapprochant, dans une mer hachée, tout en observant une trace éventuelle de vie ou pire. Je fais hurler ma sirène. Rien.


Les Gardes Côtes prennent le relais par téléphone et me demandent le nom du navire désemparé.

A force de scruter à la jumelle, je finis par le distinguer dans le fatras d’espars qui pendent du pont.

C’est le « THIOFF 6 ». Un « Oceanis 40 » sous pavillon français. Vu la rupture du gréement vers l’avant, un pataras a dû lâcher dans la tempête.

Ce sont des bateaux bons marcheurs, mais munis d’un gréement à l’échantillonnage moyen. Ils demandent un entretien préventif important pour les engager dans des navigations au large…


Ma mission est terminée : les GC m’informent que l’équipage a été récupéré sain et sauf, il y a quelques jours, dans le nord de la mer Égée. Par ailleurs, ils me remercient pour l’info sur la coque à la dérive, qu’ils avaient perdue de vue de nuit.

Par prudence, je repère le lieu sur mon logiciel de nav’



Puis je reprends ma route à la voile, en pensant au skipper du bateau et à ce qu’il a dû vivre tout en notant la montée progressive du vent.


15, 20, 25 nœuds…

Je réduis la toile à mesure.

Le Meltemi est favorable pour ma route : il est plutôt Nord-Nord-Est, ce qui me permet de mettre la voilure au « Travers ». Inconvénient : la mer me prend aussi par le travers.

Comme à chaque expérience de traversée « musclée », arrive un moment où, miracle, le bateau s’équilibre, et maîtrise la mer et le vent.

La clé est de réduire la toile à temps. Garder le bateau le moins gîté possible, prendre le cap qui épaule les vagues sans tosser, et on se retrouve à 9 nœuds dans 30 nœuds de vent au près bon plein au cockpit de cette magnifique barque de 16 tonnes.


Une image contenant Instrument de mesure, jauge, horloge, voiture Le contenu généré par l'IA peut être incorrect.


Détente relative : l’esprit reste en éveil, un rien d’inquiétude persiste : le risque est présent d’une vague qui coucherait la coque, d’une rafale vicieuse.


Une image contenant bâtiment, ciel, fenêtre, verre Le contenu généré par l'IA peut être incorrect.


Mais, quel bonheur de passer le cap au vent et d’entrer dans les eaux abritées de la baie !


Le mouillage, en baie de Livadi à Sérifos : 40 mètres de chaine sur 10 mètres d’eau, sera une formalité, hé, hé, hé…

Sitôt mouillé le bateau, sitôt à l’eau le Capitaine… L’eau est magnifique ici, même si tumultueuse sous les rafales du vent catabatique.


J’allongerai ma chaîne à 50 mètres dans la nuit : le vent montant à 40 nœuds, tandis que deux bateaux de location chassent sur leur ancre, l’un d’eux passant à quelques mètres de mon mouillage, sans personne à la barre.

Je veillerai tard en pensant à la traversée.


Au mouillage de Livadi à Sérifos, le 12 aout 2025 à point d’heure.


Caposud


 

 

 

Laisser un commentaire

Marindiana.blue © 2020 All Rights Reserved