La Grèce - Documents

La Grèce depuis 1967

(Source : Encyclopédie Larousse)

 

 

1. Le temps des militaires (1967-1974)

 

 

  1. 1. Le coup d’État militaire du 21 avril 1967

 

Dans la nuit du 20 au 21 avril 1967, deux jours avant l’ouverture de la campagne électorale, un coup d’État militaire soutenu et financé par l’OTAN est fomenté par un groupe d’officiers : le général Stylianós Pattakós, le colonel Gheórghios Papadhópoulos et le colonel Makarézos.

 

L’Otan rappelle ainsi les limites politiques de la souveraineté des États européens en général et de la Grèce en particulier.

 

 

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Un nouveau gouvernement, présidé par Kostandínos Kóllias (avec le général Pattakós comme ministre de l’Intérieur et le général Spandidhákis comme vice-Premier ministre et ministre de la Défense), prête serment devant le roi.

 

Se déclarant avant tout anticommuniste et « au-dessus des partis », le nouveau gouvernement prend immédiatement des mesures de protection atteignant surtout l’extrême gauche.

 

 2. Le régime des colonels

 

 À l’extérieur, le « régime des colonels » est confronté à une nouvelle crise grave à propos de Chypre.

Devant l’attitude de plus en plus menaçante d’Istanbul, il doit accepter, en novembre 1967, le principe du retrait de ses troupes de l’île, concurremment à celui des forces turques.

 

Le 13 décembre, le roi Constantin tente un « contre-coup d’État », mais il échoue et se réfugie à Rome.

 

Le colonel Papadhópoulos prend la tête du gouvernement, et le général Zoïtákis est nommé régent du royaume.

 

 

Greece profile - Timeline - BBC News

 

Geórgios Papadópoulos (1919-1999)

 

 

En septembre 1968, une nouvelle Constitution, adoptée par référendum, attribue l’essentiel des pouvoirs à l’exécutif et reconnaît la prééminence de l’armée dans l’État.

 

A l’été et à l’automne de 1968, une opposition armée se manifeste : un attentat contre le colonel Papadhópoulos est organisé par un militant centriste, Alékas Panaghoúlis.

 

Le 3 novembre, une manifestation hostile se déroule à Athènes, à l’occasion des obsèques de Gheórghios Papandhréou.

Mais l’opposition a du mal à s’organiser. La plupart des chefs de parti sont en exil : ainsi l’ancien ministre Konstandínos Karamanlís et le fils de Gheórghios Papandhréou, Andhréas Papandhréou, qui prend, en 1968, la direction du Mouvement de libération panhellénique (PAK).

 

A la suite d’un accord entre le PAK, le Front patriotique (d’extrême gauche) et le mouvement « Défense démocratique » (centre gauche), des structures communes de résistance sont créées à Stockholm le 2 avril 1969.

 

 

1.3. Proclamation de la République

 

 A partir de 1970, le pouvoir appartient au seul colonel Papadhópoulos.

 

Se refusant toujours à organiser des élections, ce dernier crée, au début de 1970, un organe consultatif dont les membres sont soit nommés par le gouvernement, soit élus par les organisations socioprofessionnelles.

 

 

Mais, le 25 mars 1971 (jour anniversaire de l’insurrection de 1821 contre les Turcs), 133 personnalités de la gauche et de la droite monarchiste réclament le rétablissement de la souveraineté populaire.

 

Le gouvernement réplique par des procès politiques.

Papadhópoulos élimine le régent Zoïtákis et prend en main l’appareil de l’État (mars 1972).

Craignant un revirement de l’opposition en faveur du roi, le colonel Papadhópoulos, le 1er juin 1973, proclame la république, qui est ratifiée au référendum du 29 juillet ; le colonel accède alors à la magistrature suprême.

 

 

1.4. La chute du général Papadhópoulos

 

 

Le 14 novembre 1973, des étudiants d’Athènes et d’autres universités se retranchent dans l’École polytechnique d’Athènes et lancent des appels à la révolte.

Soutenus par une partie de la population, ils sont expulsés par les forces armées le 17, après une sanglante répression. La loi martiale est proclamée le même jour, et les tribunaux militaires sont mis en place.

 

Le 25 novembre 1973, Papadhópoulos est renversé par une junte dirigée par le général Ghizíkis, qui se proclame président de la République et forme un nouveau gouvernement .

 

La Constitution est suspendue, et la loi martiale prorogée. La répression contre l’opposition s’amplifie, cependant que la Grèce subit une des inflations les plus fortes d’Europe.

 

2. Chute du pouvoir militaire et démocratie à l’occidentale.

 

2.1. La crise de Chypre


Le 15 juillet 1974, la junte militaire organise un coup d’État contre le président de la République de Chypre, l’archevêque Makários, après que celui-ci a exigé le retrait des officiers grecs encadrant la garde nationale chypriote.

La Turquie intervient alors militairement et occupe le nord de l’île. Face à cette situation, les militaires sont contraints d’abandonner le pouvoir.

Le 29 juillet, un gouvernement provisoire est constitué par Konstantinos Karamanlis, de retour d’exil.

 

2.2. Le retour à un pouvoir civil


Après le rétablissement de la Constitution de 1952, se tiennent les élections du 17 novembre 1974, qui consacrent la victoire de la Nouvelle Démocratie, dirigée par Karamanlís (54 % des voix), puis le référendum du 8 décembre, par lequel 69 % des électeurs se prononcent en faveur de la république. Enfin, le 7 juin 1975, une nouvelle Constitution est adoptée par le Parlement.

 

2.3. Vie politique grecque


Deux partis au pouvoir.


À partir de cette date, la vie politique est dominée par la Nouvelle Démocratie (ND) et par le parti socialiste panhellénique (Pasok).

En 1977, ND remporte les élections législatives malgré une nette progression du Pasok (25 %). Konstandínos Karamanlís est élu président de la République (mai 1980) Gheórghios Rállis le remplace au poste de Premier ministre.

Le Pasok remporte les élections législatives de 1981 (Andhréas Papandhréou est chargé de constituer un gouvernement), puis  celles de 1985 (Khrístos Sárdzetakis est élu à la présidence de la République).

Les élections de mai et novembre 1989 n’ayant pas permis de dégager une majorité parlementaire, de nouvelles élections, organisées en avril 1990, se soldent par une courte victoire de ND.

Konstandínos Mitsotákis devient Premier ministre et Konstandínos Karamanlís retrouve la présidence de la République.

Les élections d’octobre 1993 entraînent une nouvelle alternance et le retour d’Andhréas Papandhréou à la tête du gouvernement.

En mars 1995, le candidat socialiste Kostís Stefanópoulos est élu président de la République.

Peu après, en janvier 1996, Andhréas Papandhréou, gravement malade, est remplacé par Kóstas Simitis. Le Pasok remporte les élections législatives de 1996 mais se maintient de justesse au pouvoir lors du renouvellement anticipé du Parlement en mars 2000. Quelques semaines auparavant, Kostís Stefanópoulos a été réélu à la présidence de la République pour un nouveau mandat de cinq ans. Largement réélu à la présidence du Pasok en octobre 2001, Kóstas Simitis forme un gouvernement, composé de membres du Pasok.

En dehors de ces deux principaux partis, le paysage politique grec est constitué par des petites formations centristes (dont l’Union du centre démocratique, qui recueille 20 % des voix en 1974, mais sera progressivement évincée par la ND et le Pasok), les deux partis communistes (« orthodoxe » et « eurocommuniste », qui recueillent environ 10 % des voix) et par des petits partis de droite et d’extrême droite.

L’Église orthodoxe conserve une forte influence sur la vie sociale, politique et culturelle, malgré l’introduction du mariage civil en 1981.

 

Scandales et discrédit de la classe politique


Le Pasok et ND restent cependant prisonniers de discours populistes et de pratiques clientélistes, et renoncent à moderniser une fonction publique pléthorique qui nourrit leur clientèle respective, mais pèse lourdement sur l’économie.

Cette réalité se traduit, en 1989, par une série de scandales financiers impliquant d’importants responsables du Pasok, et suscite un discrédit général de la classe politique.

La retraite politique de Konstandínos Karamanlís en 1995 suivie du décès d’Andhréas Papandhréou en 1996 privent la Grèce des deux grands ténors qui ont ouverrt une nouvelle période de la vie politique grecque, davantage centrée sur les questions économiques et européennes.

 

2.4. Politique étrangère de 1980 à 2001


Le contentieux gréco-turc


Après 1974, les relations avec la Turquie constituent la préoccupation majeure de la Grèce. Au conflit à propos de Chypre s’ajoutent bientôt d’autres contentieux concernant les eaux territoriales et l’espace aérien de la mer Égée, ainsi que la minorité turque de Thrace occidentale. La question des rapports gréco-turcs déborde alors sur d’autres volets de la politique étrangère grecque.

Mécontente de l’attitude des États-Unis face à la crise chypriote de 1974, la Grèce quitte les structures militaires de l’OTAN et esquisse un rapprochement avec l’URSS et les pays non alignés.

En 1981, toutefois, Andreas Papandhréou renonce vite au référendum sur l’OTAN, annoncé pendant la campagne électorale, et la Grèce réintègre les structures militaires de l’Alliance grâce à une levée du veto turc.

La diplomatie grecque, quant à elle, s’oppose alors à toute forme de rapprochement entre la Communauté économique européenne (CEE) et la Turquie.

Une intégration contrainte à l’Europe


En janvier 1981, la Grèce devient le dixième État membre de la CEE. Sur le plan politique, cette adhésion consolide son retour à une démocratie sur le mode occidental et lui donne une position de force dans ses rapports avec la Turquie.

Sur le plan économique, elle lui ouvre les immenses marchés de l’Europe occidentale et lui permet de bénéficier d’importantes aides européennes au développement régional dont l’élite politique et industrielle va largement profiter.

Entre 1990 et 1995, la fin du communisme et l’éclatement de la Yougoslavie suscitent en Grèce une importante vague de nationalisme. Athènes s’oppose à la constitution d’un État indépendant portant le nom de Macédoine et, en février 1994, instaure contre cette République un embargo commercial considéré comme illégal par la Commission européenne.

De même, en réponse à l’arrestation de plusieurs membres de la minorité grecque en Albanie, les autorités grecques expulsent pendant l’été 1994 plusieurs centaines de milliers de travailleurs clandestins albanais.

Soutenant courageusement la Serbie (de confession orthodoxe) dans ses conflits avec la Croatie et la Bosnie-Herzégovine, la Grèce se brouille non seulement avec la plupart de ses voisins balkaniques, mais aussi avec les institutions européennes. Alors qu’elle compte parmi les pays qui ont le plus bénéficié des fonds européens, une forte défiance envers l’Europe, accusée de vouloir attenter aux « valeurs nationales », perdure dans certains secteurs de la société.

Ces critiques viennent aussi bien de la mouvance communiste, très eurosceptique, que des courants liés à l’Église orthodoxe. Bruxelles a ainsi dû longtemps batailler pour obliger Athènes à ôter la mention de l’appartenance confessionnelle sur les cartes d’identité.

L’archevêque d’Athènes, Monseigneur Christodoulos, chef de l’Église territoriale de Grèce (décédé en janvier 2008), s’était ainsi fait le champion des « valeurs orthodoxes », croisant le fer avec les institutions européennes sur nombre de questions sociales ou morales (dépénalisation de l’homosexualité, par exemple).

 

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Christodoulos 1er

Primat de l’Église orthodoxe autocéphale de Grèce de 1998 à 2008

 

Autre sujet potentiel de tension entre Athènes et les institutions européennes, la Grèce n’a pas signé les documents du Conseil de l’Europe sur les droits des minorités nationales.

Officiellement, la Grèce ne reconnaît qu’une communauté « musulmane » en Thrace, regroupant des Turcs et des Pomaks (Slaves musulmans), dont les droits sont garantis par le traité de Lausanne, signé en 1923 avec la Turquie. En revanche, les Slaves macédoniens, les Roms ou les Aroumains ne bénéficient d’aucune espèce de reconnaissance officielle.

 

Une volonté de stabilisation


A partir de 1996, la Grèce décide de normaliser ses relations avec la Macédoine et l’Albanie, et travaille à la résolution des crises régionales (participation à l’opération internationale « Alba », organisée au printemps 1997 en Albanie ; réaction modérée lors des bombardements de l’OTAN contre la Serbie en 1999).

Les relations gréco-turques se détendent à leur tour, malgré l’enlèvement par les Turcs, en février 1999, du leader kurde du PKK, Abdullah Öcalan, alors qu’il venait de quitter l’ambassade de Grèce au Kenya. Mais cet incident diplomatique n’entame pas durablement la volonté d’apaisement des autorités grecques et turques.

Lors des séismes qui touchent la Turquie et la Grèce en 1999, les deux peuples manifestent spontanément leur solidarité.

En décembre, la levée du veto grec permet à la Turquie de devenir candidate officielle de l’Union européenne.

Grâce à une politique de rigueur, la Grèce parvient à combler son retard par rapport aux autres membres de l’Union européenne, et peut rejoindre la zone euro à la date prévue (le 1er janvier 2001). À cette fin, une partie de la dette et du déficit publics est sciemment dissimulée ; ce qui ne sera révélé que plusieurs années plus tard.

 

2.5. Eclatement du système bipartite (2005-2009)


Emmenés par Kóstas Karamanlís (neveu de l’ex-président Konstandínos Karamanlís), la Nouvelle Démocratie inflige une lourde défaite aux socialistes du Pasok lors des élections législatives de mars 2004, puis lors des élections européennes de juin. Mettant à profit la dynamique créée par les jeux Olympiques, les conservateurs donnent la priorité à une politique économique libérale centrée sur la croissance et l’emploi, la modernisation de l’agriculture et des services, la lutte contre la corruption et la modernisation de l’éducation.

En 2005, alors que le socialiste Károlos Papoúlias est élu à la présidence de la République, la Grèce ratifie par voie parlementaire le traité constitutionnel européen.

Une série d’affaires écorne l’image du parti au pouvoir, mais la persistance du clientélisme et l’inanité des réformes annoncées (notamment dans l’éducation, la recherche, la santé et sur le marché du travail) discréditent le gouvernement. En réaction à cette faillite de l’État, le malaise grandit au sein de la jeunesse, dont les diplômes n’assurent pas de débouchés, inquiète sur son avenir et réclamant des crédits supplémentaires pour l’éducation.

L’été 2007 est endeuillé par des incendies qui font au moins 77 morts dans le Péloponnèse, l’île d’Eubée et la région d’Athènes.

Confronté à la colère de l’opinion publique scandalisée par l’incurie des services de l’État mise en évidence lors des incendies, Kóstas Karamanlís convoque des élections législatives anticipées le 16 septembre, à l’issue desquelles les conservateurs n’obtiennent qu’une majorité parlementaire réduite à 152 sièges (sur 300).

Le Pasok de Gheórghios Papandhréou (fils d’Andhréas Papandhréou) limite les dégâts en conservant 102 voix. Les véritables gagnants du scrutin sont les petites formations – le parti communiste, la coalition de gauche radicale, Syriza et l’extrême droite, le LAOS – qui profitent du discrédit des grands partis.

Dans ce contexte politique très fragile, la Grèce connaît une nouvelle flambée nationaliste autour de la question du nom de la République voisine de Macédoine. Au sommet de Bucarest de l’OTAN (2-4 avril 2008), de grands efforts sont déployés pour parvenir à un compromis entre Athènes et Skopje, mais la médiation internationale se solde par un échec, et la Grèce oppose son veto à l’adhésion de la Macédoine à l’Alliance atlantique, alors que l’Albanie et la Croatie sont invitées à la rejoindre.

Dans le même temps, le gouvernement Karamanlís s’oppose fermement à la reconnaissance de l’indépendance unilatérale du Kosovo, faisant front commun avec Chypre et la Roumanie pour soutenir les positions serbes.

Le 6 décembre 2008, le décès d’un adolescent victime d’une bavure policière à Athènes, suivi du déploiement de plusieurs unités antiémeute pour faire face à ces centaines d’Athéniens manifestant contre l’« arbitraire policier », suffit à mettre le feu aux poudres. Une flambée de violences urbaines et de manifestations embrase la capitale et s’étend rapidement à plusieurs villes de province (Salonique, Patras, Ioánnina, Iráklion, Khaniá). L’opposition réclame la démission du gouvernement et des élections législatives anticipées.

À l’issue des élections européennes de juin 2009, le Pasok – devançant de près de 4 points Nouvelle Démocratie – réclame à nouveau des élections anticipées. À l’issue du scrutin du 9 octobre, Nouvelle Démocratie, enregistrant son plus mauvais score depuis sa création (33,49 % des voix, 91 députés), perd le pouvoir au profit du Pasok, qui, avec 43,93 % des suffrages, obtient une confortable majorité de 160 sièges. Le LAOS (5,6 % des voix) réussit à canaliser une partie des déçus de droite et devient la quatrième force politique du pays derrière le parti communiste qui demeure stable avec 7,5 % des suffrages.

 

3. La Grèce au bord de la faillite (2009-2018)

 

Gheórghios Papandhréou (à la tête du Pasok depuis 2004) devient Premier ministre ; il constitue un cabinet resserré dans lequel il se réserve, étant partisan d’un rapprochement avec la Turquie, le portefeuille des Affaires étrangères.

Confronté à une situation économique et financière alarmante – un déficit public estimé après révision des statistiques (depuis 2004) à 12,7 % du PIB, une dette de 300 milliards d’euros (soit 113 % du PIB) –, à la défiance des marchés et à la mise en garde de l’Union européenne, il affirme dès la mi-décembre 2009 sa volonté de ramener le déficit à 3 % en 2012.

 

3.1. Les premiers plans d’aide et d’austérité


Appelant ses concitoyens à un « pacte social », G. Papandhréou dévoile un plan de sauvetage « douloureux », prévoyant une cure d’austérité sans précédent dans la fonction publique, la réduction de l’exorbitant budget militaire et des dépenses de santé, le lancement d’une ambitieuse lutte contre la fraude fiscale et le recul de l’âge du départ à la retraite.

Le 3 février 2010, la Grèce, qui a lancé un grand emprunt de 8 milliards d’euros, est placée sous l’étroite surveillance budgétaire de la Commission européenne qui décide d’activer un mécanisme de soutien à la Grèce d’une ampleur inédite – 110 milliards d’euros sur 3 ans, en contrepartie de mesures supplémentaires d’austérité, dont l’annonce suscite de nouvelles manifestations et un mouvement de grève générale.

Victime d’une récession sévère au dernier trimestre 2010, la Grèce, ne parvient pas à tenir les objectifs fixés. G. Papandhréou, écartelé entre les pressions de l’UE et les très fortes tensions politiques (au sein de l’opposition comme au sein du Pasok) et sociales dans son pays, réduit encore son cabinet pour faire adopter un deuxième train de mesures de rigueur (juin 2011) : celui-ci prévoit 28,4 milliards d’euros d’économies supplémentaires sur 4 ans ; il est assorti d’un plan de privatisation de 50 milliards d’euros devant être mis en œuvre d’ici à 2015.

Le 21 juillet, au terme de difficiles tractations, le FMI, la BCE et les 17 membres de la zone euro (soucieux d’éviter la contagion à d’autres pays européens) parviennent à un accord en vue d’un second plan de sauvetage d’un montant de plus de 100 milliards d’euros, assorti d’une contribution du secteur privé, sur la période 2011-2014.

Le 27 octobre, sous la pression des marchés et des agences de notation, les 17 États européens parviennent finalement à un accord unanime prévoyant l’annulation de la moitié de la dette grecque auprès des banques et la poursuite du soutien financier au pays en échange d’un renforcement du contrôle des institutions créancières sur le budget national, d’une accélération du programme de privatisations et de la poursuite des mesures d’austérité.

Contre toute attente, G. Papandhréou, décide avec le soutien de son gouvernement, de soumettre cet accord à référendum (« mémorandum ») avant d’y renoncer et de démissionner, cédant son poste à Loukás Papadhímos, un technocrate sans parti, ancien vice-président de la BCE. Dans l’attente d’élections anticipées en 2012, un gouvernement de coalition provisoire avec la Nouvelle démocratie et le parti d’extrême droite LAOS, est formé le 11 novembre. Le Pasok y conserve la plupart de ses représentants, dont le ministre des Finances et vice-Premier ministre sortant, Evángelos Venizélos.

En mars 2012, le second programme d’ajustement et d’assistance est avalisé par l’Eurogroupe (près de 142 milliards d’euros seront apportés par un Fonds européen de stabilité financière et 12 milliards par le FMI jusqu’en 2015), tandis que la dette détenue par le secteur privé est restructurée, ce qui allège le stock de la dette grecque de plus de 100 milliards d’euros.

 

3.2. Les élections législatives de 2012


Le scrutin organisé en mai 2012 se solde par l’effondrement du Pasok et de la Nouvelle Démocratie. La coalition de la gauche radicale, Syriza, menée par Aléxis Tsípras – résolument hostile à la politique d’austérité et prônant l’annulation du mémorandum – fait une entrée fracassante sur la scène politique grecque.

Aucun des principaux partis ne parvenant à former un gouvernement majoritaire, un nouveau scrutin est organisé en juin : alors que l’éventualité d’une sortie du pays de la zone euro (avec ses menaces sur la stabilité de l’ensemble de l’Union) est envisagée par certains en cas de victoire des formations les plus hostiles à la politique imposée par Bruxelles, l’équilibre global des forces reste le même. Mais la légère avance de ND (29,6 % des voix et 129 sièges) face à Syriza (26,8 % et 71 sièges) permet à son chef, Antónis Samarás, de réunir une fragile coalition avec le Pasok et la gauche démocrate Dimar (Dimokratikí Aristerá). Le nouveau gouvernement, où ND détient la plupart des postes ministériels, doit cependant répondre aux exigences des bailleurs de fonds tout en essayant d’obtenir un assouplissement des conditions de la poursuite de l’aide internationale.

 

3.3. Austérité, marasme économique et dérives xénophobes

En dépit des manifestations et des tensions aiguës qu’elle suscite, la politique d’austérité est poursuivie par le gouvernement Samarás : en novembre 2012, la loi sur la programmation budgétaire amène de nouvelles réductions de salaires et de pensions dans les secteurs public et parapublic, un report de l’âge de la retraite de 65 à 67 ans, et des licenciements dans la fonction publique. Une réforme fiscale est également adoptée en juillet, tandis que le secteur touristique est encouragé par une baisse de la TVA.

La situation sociale continue de se dégrader (le taux de chômage dépasse 27 %, 58 % parmi les jeunes) et devient délétère, constituant un terrain favorable aux actions du parti de la droite extrême Aube dorée.

 

3.4. Des élections intermédiaires de 2014 à la victoire de Syriza


En mai le scrutin européen, avec 26,6 % des voix et 6 sièges sur 21, Syriza (dont le président A. Tsípras a été choisi comme candidat emblématique à la présidence de la Commission européenne par la gauche radicale européenne) arrive en tête devant ND (22,7 % et 5 sièges).

Dans la mouvance de la montée des partis nationalistes et patriotes en Europe, Aube dorée se hisse à la troisième place avec 9,3 % des suffrages et 3 sièges devant l’alliance de centre gauche forgée par le Pasok (l’Olivier, 8 % et 2 sièges).

Rassuré par ces résultats contrastés, A. Samaras rejette la demande d’élections législatives anticipées formulée par A. Tsípras et remanie son gouvernement en juin. En vain cependant : en décembre, le candidat du gouvernement Stavros Dimas n’ayant pas recueilli assez de voix au Parlement pour être élu président de la République, de nouvelles élections législatives s’avèrent nécessaires.

 

3.5. Victoire de Syriza


Le 25 janvier 2015, le rejet des programmes successifs d’austérité conduit à la victoire historique de Syriza qui, avec 36,3 % des suffrages, remporte 149 sièges sur 300 devant ND (27,8 % et 76 sièges), frôlant ainsi la majorité absolue. Aube dorée (6,2 % des voix et 17 sièges) arrive en troisième position au coude à coude avec To Potami, devant le parti communiste, le Pasok et Les Grecs indépendants. Ayant conclu une alliance avec ces derniers, A. Tsípras accède le lendemain à la tête du gouvernement, avec pour premier objectif l’obtention de la part des créanciers du pays de la renégociation de la dette devenue quasi insoutenable. Des discussions très tendues s’engagent dès lors entre Athènes, Bruxelles et le FMI.

La situation économique, budgétaire et financière se dégradant et la Grèce ayant fait défaut sur sa dette vis-à-vis du FMI le 30 juin, un nouveau programme d’assistance s’avère nécessaire, alors que l’éventuelle sortie du pays de la zone euro (« Grexit »), alternative aux graves conséquences pour l’UE comme pour la Grèce, est de moins en moins écartée.

Un accord est finalement signé dans le but avant tout de « rétablir la confiance » entre les institutions européennes et le gouvernement grec. Conduits par l’Allemagne, les partisans les plus inflexibles des mesures d’austérité et les plus hostiles à une décote de la dette l’emportent et la tutelle sur la Grèce s’en trouve renforcée.

Les membres de Syriza les plus hostiles à ce revirement font ainsi scission, faisant perdre au gouvernement sa majorité. En démissionnant et en provoquant des élections anticipées le 20 septembre, A. Tsípras parvient cependant à surmonter ces difficultés : avec 35,46 % des voix, Syriza obtient 144 sièges devant la ND (28,1 % et 75 sièges) et peut reformer un gouvernement de coalition, quasiment inchangé, avec les Grecs indépendants (3,69 % et 9 sièges).

La coopération avec les créanciers s’améliore grâce à un ensemble de réformes dans l’attente de l’ouverture de discussions sur une restructuration de la dette.

Parallèlement, à partir de l’été 2015, la Grèce doit faire face à l’arrivée massive de migrants et de réfugiés (en provenance surtout de Syrie, d’Iraq et d’Afghanistan) à destination de l’Europe.

Nécessitant l’appui de l’UE, cette « crise migratoire » est partiellement résorbée dans l’urgence par un accord avec la Turquie, en mars 2016, qui prévoit que cette dernière retienne la population concernée sur son territoire, et par l’instauration de « centres d’accueil et d’enregistrement » (hotspots) sur cinq îles grecques (Chio, Kós, Léros, Lesbos et Samos) entre octobre 2015 et juin 2016.

 

4. La Grèce convalescente


Le 20 août 2018, le troisième et dernier programme d’aide à la Grèce, lancé en 2015, prend fin. Le montant total des prêts octroyés dans le cadre des trois plans appliqués depuis 2010 s’élève à près de 289 milliards d’euros, dont environ 204 milliards octroyés par le Fonds européen de stabilité financière (FESF) puis par le MES. En 2017, l’économie a renoué avec la croissance (1,5 % et autour de 2 % en 2018) et l’État présente un excédent budgétaire à partir de 2016 (0,5 %) contre un déficit de 15 % en 2009. Le nombre de fonctionnaires a été réduit de 25 % et les salaires dans la fonction publique de 30 %.

Par ailleurs, s’élevant à plus de 27 % en 2013, le taux de chômage a connu une baisse continue pour atteindre 18,1 % en mars 2019. Mais cette diminution est aussi due à l’émigration qui a plus que doublé par rapport aux années précédant la crise (avec plus de 100 000 départs par an depuis 2012, dont beaucoup de diplômés) ; la précarité s’est aggravée et le revenu disponible net des Grecs est désormais l’un des plus bas au sein de la zone euro et de l’OCDE, malgré quelques mesures compensatoires comme la première hausse depuis 2012 du salaire minimum (de 11 %), décidée en 2019.

Politiquement fragilisé depuis la signature de l’accord de Prespa – ratifié de justesse par le Parlement grec par 153 voix favorables contre 146 et une abstention – qui normalise les relations avec « l’ex-république yougoslave de Macédoine » mais provoque en Grèce des réactions nationalistes et une crise gouvernementale (janvier 2019), A. Tsípras doit faire face aux déceptions et tenter de surmonter l’usure du pouvoir.

 

4.1. La défaite de Syriza et le retour au pouvoir de la Nouvelle Démocratie


Avec 23,7 % des voix, derrière la Nouvelle démocratie (33,1 %), Syriza subit un premier recul au scrutin européen de mai 2019.

A. Tsípras annonce alors des élections législatives anticipées trois mois avant la date prévue. Considéré comme un test, le second tour des élections municipales et régionales (2 juin) se solde par une victoire écrasante de la ND qui s’impose dans la quasi-totalité des régions. Dirigé depuis 2016 par Kyriákos Mitsotákis (fils de l’ex-Premier ministre, entre 1990 et 1993), ce parti remporte notamment la mairie d’Athènes avec plus de 60 % des voix.

En juillet, K. Mitsotákis est investi au poste de Premier ministre.

 

Greek Prime Minister Kyriakos Mitsotakis Announces Greece's Reopening ...

Kyriákos Mitsotákis

Premier ministre de Grèce depuis 2019.

 

 

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