S/Y AMARANTE
La mer a été dure cette nuit, surtout quand le vent est tombé. D’où l’abandon de Cargèse comme escale intermédiaire.
Dans le petit matin nauséeux des premières traversées, Amarante poursuit sa course à 6 nœuds, les trois voiles déployées, dans les 12 nœuds de vent résiduel.
On a rarement eu une traversée continent-Corse avec un vent portant continu à 20/25 nœuds : le bateau a conservé 7,5 nœuds de vitesse fond pendant plus de 12 heures !
Quand on arrive à la balise des Moines, on se sent presque en vacances…

C’est d’ailleurs l’heure du déjeuner : le barbecue s’impose.

Avant d’embouquer (1) la calanque de Bonifacio.
(1) Mise au point maritime. Rien à voir avec un bouc maltraité, et on n’a rien fait à la calanque : il s’agit d’un terme maritime que l’on pourrait traduire par ‘emboucher’. Il y a là un rapport évident avec les bouches d’une rivière (Port de Bouc) ou d’un passage inter-îles (Bouches de Bonifacio).
Il vient à mon souvenir nos belles cartes du SHOM qui mentionnaient en mer des Caraïbes les ‘Débouquements de Saint Domingue’.
Que de rêves sur le papier ! Fond blanc, couleurs bistre, odeurs de vieux papier, de vieille gomme et de traces de coudes et de postillons des collègues du voyage précédent. Les détails des cartes à terre aussi précis qu’en mer.
Certaines certes indiquaient : ‘les indigènes sont accueillants, et l’on peut avitailler en eau potable. Il est recommandé de contacter le chef du village’. Tu vois ça à Paris, toi ? Même avec une carte marine, tu lui parles pas au chef du village.
Ou bien : ‘cette île pourrait être située deux minutes de latitude plus à l’Est. La prudence est recommandée au navigateur. C’est pas beau ça ? T’as l’droit d’passer, mais, p’têt qu’ tu vas t’planter. Quel rêve !
A notre épok, l’ONU, la CE, l’ENA, les Juges, les journalistes, Bourdieu, BHL, et Microsoft™JαΩ®ω$ pensent pour toi. Tu ne peux pas te planter !
J’aime autant te dire que les cartes qui parlaient des indigènes, elles ont disparu : clean world, clean speech, indigène, ça fait raciste ! Tout est nommé, informatisé, système vectoriel, référentiel temporel et géographique universel : la Logistique domine le monde.
Heu, on continue….

La Capitainerie nous offre un poste à quai digne d’un yacht au pied de la Citadelle

La nuit est tranquille.
Les Belges d’en face ont réduit le son de leur musique, style Danse des Canards juste au coucher du soleil : c’est courtois, même s’il faut respecter le patrimoine culturel européen.
Les fêtards italiens de la coque de location adjacente ont eu le sifflet coupé par la pluie diluvienne qui s’est abattue sur la cité en cours de soirée.

Au matin, le ciel est radieux, et la météo s’annonce favorable.

Bonifacio, ta citadelle, nous n’y monterons point, cette fois ci. Des obligations d’avitaillement s’imposent pour assurer la poursuite du voyage.

Le bord de quai en revanche, regorge d’officines spécialisées.

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Mon Frère Espadon , qui n’est hélas pas de ce voyage, ce nom t’inspire-t-il une de ces contrepèteries à tiroirs dont tu as le secret ?
Nous appareillons à 10h00, formalités accomplies à la capitainerie.
Je dois dire que le port de Bonifacio a changé en mieux, le quai a été refait, et les postes à quai sont maintenant correctement équipés.
Au passage, avec la reconstruction du quai, les gargottes de quai ont fleuri, toutes construites sur le même modèle, même l’ancien commerçant de maillots de bain a ouvert son Sushi Bar.
De même avec les promène-couillons-dans-les-grottes : tous neufs, tous du même modèle.
Les Corses sont égaux à eux même : accueillants en début de saison, excédés en pleines saison, et fatigués à la fin de la saison.

Bonifacio s’éloigne… (2)
- enfin, je veux dire que nous nous éloignons, et que d’un point de vue relatif, etc…

Le cap Pertusato est franchi, et nous nous dirigeons vers la petite baie de l’île Piana, déjà fréquentée lors d’aventures passées.




Elle n’a pas changé, nous oui, et d’ailleurs, il est l’heure du déjeuner.
C’est le moment d’associer le poulet pinchu (le continental chez les Corses), l’échalotte provençale, et le figatellu Corse.
C’est dangereux, mais en brochette ça marche, et à Marseille, on crain’ degun.


On vous embrasse.
18 juin 2015
A bord d’Amarante, Baie de Piana
Cap Au Sud
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