S/Y AMARANTE
23 juillet
Le début du voyage s’est plutôt bien passé.
Ce 23 juillet, nous appareillions de la belle Ile de Lastovo, après quelques allers-retours entre le quai des yachts

et celui du poste à carburant

Avec assez peu de place pour manœuvrer.
L’annexe avait été rangée dans son coffre la veille : une manœuvre de grande classe saluée par un couple anglais sympathique (si, si…) assis à nous regarder du pont de leur bateau, en sirotant leur whisky.

Sous un vent résiduel de nord-ouest, la traversée de Lastovo au cap d’Otranto, le talon d’Achille de la botte italienne, fut une navigation tranquille avec une arrivée au petit matin.
Adieu pavillon croate…

24 juillet
L’arrivée sur Santa Maria di Leuca fut moins tranquille: alors que nous doublions le cap Leuca, exactement comme à l’aller dans la même zone, le moteur baissa soudainement de régime, puis repartit avec peine.
Forts de l’expérience de la route aller, nous dégageâmes l’hélice, probablement prise dans un filet, en battant en arrière à bon régime, sur de l’erre en avant.
Nous décidons d’effectuer une escale technique à Santa Maria di Leuca.
Je fais une plongée de contrôle et je peux ainsi constater que l’hélice est claire.
L’escale nous permet, outre une nuit tranquille, de nous avitailler en produits frais, et de nous recaler en horaire pour passer le détroit de Messine dans la journée du 26 juillet, avec un courant de marée favorable en sortie.
26 juillet
Mes yeux se ferment si je fixe trop longtemps l’horizon de l’aube qui pointe. Ce quart de 3 à 6, c’est celui du sommeil refoulé.
A l’approche du détroit de Messine, il vaut mieux veiller : nombreux cargos contre-bordiers, pescadous erratiques et imprévisibles, gros chalutier genre ‘moi-chalute-toi-manœuvre’.

Tandis que j’assure la veille, les odeurs du carré répandent encore le parfum du plat canaille de quatre heures : omelette ‘3 œufs’, pain grillé, bière.
Le plat canaille, c’est une tradition de la relève du quart du petit matin.
Aux ‘Messmar’ – les Messageries Maritimes – à 04h00, le quart machine remontait de la ‘bécane’, tandis que le quart pont descendait de la passerelle.
Le maître mécanicien, le Chouf était souvent cuisinier à ses heures, et nous faisait sauter un steak aux oignons, rissoler un corned-beef à l’ail et au piment, ou faisait frire une omelette, le tout arrosé du picrate qui tue de la ‘Figues-et-Noix’ (la société de restauration sous contrat de l’époque, qui s’est plutôt bien reconvertie dans la malbouffe de lycée et d’hôpitaux)
Messine : vers 11h30, nous laissons le capo dell’Arma sur notre travers tribord à et nous entamons la remontée (vers le nord, ça monte, non ?) du détroit.
Vers midi, le vent se lève du sud, chaud, sec, avec une brumasse sableuse qui signe sans aucun doute le coup de sirocco. Il monte en puissance, tandis que nous réduisons la grand-voile et rentrons l’artimon.
Le vent s’établit à 30 nœuds à la sortie du détroit, alors que nous franchissons le mascaret résiduel. La mer est hachée, et le vent secoue le bateau.

Passé le cap Peloro, nous décidons de ne pas poursuivre vers l’île de Lipari pourtant proche : le vent est en effet monté à 40 nœuds, avec des rafales à 45, et la mer est creuse alors que nous sommes proches de côte.

Nous faisons donc route vers l’ouest, en cherchant l’abri relatif de la côte, lessivés par les paquets d’eau que nous envoie la mer écorchée par le sirocco, et nous finissons par mouiller 50 mètres de chaine sur 3 mètres de fond au pied du cap Rasocolmo.
Nous sommes à 100 mètres d’une plage où s’ébattent les baigneurs, pour qui le vent est plutôt un avantage par cette chaleur… A chacun ses valeurs.
Pour ce qui nous concerne, l’ancre tient, et nous pouvons souffler.

Et déjeuner : il est 15 heures, et nous n’avons même pas pensé à prendre un repas, préoccupés par les conditions météo et le comportement du bateau.
Ce dernier a été superbe dans la brafougne, avec un bout de grand-voile, et le moteur à 2000 tours, encaissant les coups de vent et de mer sans dévier de sa route.
Tursio-Puce
ne résiste pas à l’envie de baignade, mais l’amarrage de la sirène est obligatoire : le bateau vire sans arrêt sur sa chaîne, et le vent crée un courant sensible.

Il faudra attendre 19 heures pour que le vent, toujours de sud, baisse à 25 nœuds.
Mais les prévisions annonçant une rotation au nord-ouest, nous décidons d’entrer au port de Milazzo, dont le Capitaine nous indique au téléphone avoir une place à quai pour Amarante.
L’entrée se fera de nuit, vers 21h00.
Le maître de port, professionnel et efficace, nous attend dans sa barcasse à boudins, pour nous guider et nous amarrer royalement, bâbord à quai.
Quel calme !
Il faut aussi dîner, et Lamiral
nous fait une nouvelle démonstration de ses talents d’éplucheur de patatos (= pomme de terre en breton de Lézardrieux).

27 juillet
Les prévisions météo n’étant toujours pas favorables à la traversée vers la Sardaigne, nous décidons de rester deux jours à Milazzo, une petite ville accueillante, dans une marina au service impeccable.
Le seul inconvénient : les ferries qui secouent Amarante à chacune de leurs manœuvres.

Puis nous rejoindrons Palerme, ce qui nous permettra de gagner une demi-journée de navigation vers l’ouest, en attendant la fin du fort coup de vent annoncé sur l’ensemble du golfe du Lion, de la Sardaigne et de la mer Tyrrhénienne.
Milazzo, le 28 juillet 2014
Cap Au Sud,
Résigné à faire route au Nord,
Qu’émeut le vœu contraire de Dame Méteo.
Eole, Neptune, Tritons, Amarante veut encore
Pour rentrer au pays, la voile hisser haut !
![]()