Du 20 au 22 juin 2014 – Rijeka Dubrovacka

 

 

S/Y AMARANTE

 

20 juin 2014

 

Tandis que la vie solitaire s’organise à partir de la marina ACI de la rijeka (rivière) Dubrovačka, j’attends donc mon prochain équipage.

 

Jogging le matin, bière l’après-midi, faire de l’eau (pas moi : Amarante), les courses d’avitaillement, du boulot, quoi.

Le premier équipier, j’ai nommé ‘Drakkar de Zadar’ , est annoncé pour le 21, tandis que le second, ‘Rascasse de Sormiou’ , qui rappelons-nous, a déjà écumé l’Adriatique à bord du fort bel Amarante de Lestaque, rejoint le bord le 24.

 

Ce 20 juin, comme il se doit, je me rends à la capitainerie de la marina afin d’obtenir mon maintien à quai jusqu’à l’arrivée de Drak de Zad.

Mon charme francuski semble opérer envers les employées portuaires, mais la règle est la règle : nous sommes vendredi, et les engins de location à voile rentrent au port. Apparemment, ça paye plus que le navire de passage, donc, ‘oprostite’ (excuse me, en langage véhiculaire), il faut partir.

 

Les allemands bruyants (pléonasme) du bateau de loc d’à côté qui osent un ‘but you sail alone, mein gott…’ n’ont droit qu’à un ‘yes’ bref et décidé, et je large les amarres.

Que faire ? J’ai repéré la baie de Zaton un peu au nord de l’embouchure de la rijeka Dubrovačka.

 

Je mouille (le veux parler d’Amarante en l’occurrence) en quatre fois, le vent, qui passe du nord-ouest à 20 nœuds au sud est à 25 nœuds, ayant raison de la tenue de l’ancre.

 

Je finis au milieu de la baie, sur un fond de vase de 10 mètres avec 45 mètres de chaine.

Là, ça tient. Ca suce, même. Quand je remonterai l’ancre plus tard, il faudra l’arracher du fond, et passer un bout de temps à la nettoyer. Du gras de fond de baie, genre glaise émulsionnée à la crème d’exutoire citadin, catalysée au rejet industriel sauvage.

 

La vase est lourde, le ciel est gris, le vent frais, Amarante n’aime pas son mouillage, et me le fait savoir : il évite et s’agite autour de sa chaine comme une mouche autour d’une m… lampe.

 

Heureusement, un copain, un vrai, vient me tenir compagnie.

 

 

 

Le pont d’Amarante en gardera assez longtemps la trace.

 

 

21 juin

 

Le temps est au beau, la nuit agitée se termine sur un matin calme.

 

 

Je, Cap Au Sud alone himself, décide d’appareiller et de passer la journée en mer en attendant l’arrivée de Drak, prévue à 18h00.

 

S’ensuit une journée de voile de rêve.

12 nœuds de vent d’ouest, Amarante sous voiles à 6,5 nœuds. Je vais virer par deux fois le phare de Sv Andria, au large,

 

 

 

et l’après-midi finissant, fais route sous le vent vers le port de Gruz (le port commercial de Dubrovnik), lieu du rendez-vous.

 

Vers 18h30, sans nouvelles de Drakkar de Zadar, je décide d’accoster au quai des yachts de Gruz.

 

Ayant exécuté, seul à bord, une manœuvre de mise à quai sur chaine d’ancre,  je vois apparaitre le préposé portuaire, à qui je m’apprête à lancer la première amarre arrière, avec le sourire de connivence nautique qui convient.

Surprise : invectives et remontrances me font sursoir à mon projet d’accostage.

« Il faut appeler la capitainerie avant de se mettre à quai – ce poste est promis à un grand navire – pas question même pour 5 minutes ».

Le tout en croato-british, mais très clair.

 

Je m’exécute, affable et obéissant, bref, méconnaissable, et appareille vers la rijeka Dubrovačka: ou aller d’autre ?

 

Enfin, D de Z m’appelle. Il a eu une panne de batterie de téléphone.

Rendez-vous est pris sous le pont de l’autoroute, dans la rijeka.

Je le cueillerai du bout de l’avant d’Amarante, à bisouiller la pierre froide d’un quai incertain, garni de déchets portuaires divers. Pas sûr que ce soit très légal, cet embarquement…

Drak saute prestement à bord, même-pas-peur, et l’aventure peut continuer.

Vu l’heure, le plus simple est de retourner à Luka (baie) Zaton, et cette fois-ci, nous nous mettons à quai, pour passer une nuit tranquille.

 

Avec du recul, sur la carte, ça fait un paquet de nouilles, la trace d’Amarante de ce jour-là:

 

 

 

22 juin

 

Il me faut à ce stade vous raconter une anecdote.

En ce matin du 22 juin, alors que j’émergeais du sommeil lourd des marins au port, notre voisin de poste à quai, un hollandais démonstratif, m’interpella : « I saw you yesterday, drifting away several times…. » Ca fait toujours plaisir à un capitaine de se faire rappeler qu’il a dérapé quatre fois sur son ancre avant la nuit !

Ayant plutôt bien dormi, je le laissai continuer : « … un jour, j’en ai eu assez d’avoir des problèmes avec mon ancre, j’ai acheté une ‘XXX’, elle est formidable sur tous les types de fonds, elle a un soc triangulaire inversé, et un demi anneau large dans sa partie supérieure, you know ? »…

Et tout à coup, la lumière se fit dans mon esprit embrumé : il venait de me décrire l’ancre d’Amarante.

 

C’est à ce point précis des évènements sociaux que la courtoisie française, faite de retenue et de compréhension instinctive des mécanismes intellectuels humains, et bataves en particulier, s’exprime le mieux : sur un sourire de connivence nautique envers mon interlocuteur, j’allais prendre enfin ce café qui me fit tant de bien en ce matin croate.

 

Crique de Zaton, le 22 juin 2014

 

Cap  Au Sud

 

 

 

 

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