S/Y AMARANTE
17 juin 2012
A l’appareillage, ce matin à 11h00, nous faisons du gas-oil : 1,78 €/litre ! En fait, ce n’est pas si cher pour une île ravitaillée par un pétrolier.
Le temps s’est mis au régime d’été, et il fait déjà chaud.
Le corps s’habitue, et adopte la démarche dite des ‘savates deux-pieds’ (les tongs en créole La Réunion), ou le ventre descend, entraînant le short, les épaules reculent, les talons trainent avec ce balancement de hanches si spécifique à l’Homo (c’est du latin, pas du vocabulaire de gauche) Insularis, pour qui le temps n’a de valeur que celle de l’intervalle entre bière du matin, et ti-punch des repas.
Nous mettons en route vers le Capo Peloro, à l’entrée du détroit de Messine, guidés par le majestueux Etna, qui nous surplombera de sa masse pendant tout le passage.
On dirait un bouddha couché, serein, crachant sa petite fumée d’herbes euphorisantes (thé au jasmin, bien sûr).

Mais les évènements de mer rythment la courte traversée
1. Test hydraulique.
Arrêt en pleine mer pour humectation des écailles du Capitaine.

L’échelle escamotable fonctionne parfaitement.
2. Observation ethnologique.
Vous le voyez le marin au bout de la planche, à 30 mètres devant l’étrave ?
C’est l’appât !
Et dans la hune, il y a les chasseurs. Enfin, c’est ainsi que nous le voyons…

L’entrée du détroit, gardée par le phare et le fortin du Capo Peloro, se présente enfin au regard des marins captivés.

Dialogue (habituel) entre Espadon
et Barracuda
:
B : Pas mal, hein !
E : Oui, ça me rappelle l’Afrique
B : Mouais…
Le silence s’installe pendant 3 minutes…
B : On est bien quand même
E : Ouais
B : Pas à chier, c’est top
E : Mmmh …

On embouque (c’est un terme maritime, pas agricole) le passage, et là, c’est le chaudron de sorcière :



Tout ça sans un poil de vent, moteur à 2500 tours, 8 nœuds sur l’eau et 3,5 sur le fond.
Impressionnés de sentir les 16 tonnes d’Amarante prises comme dans une main, nous avons une pensée pour Ulysse, et son passage de Charybde en Scylla sur une nef de bois mue par la voile.
Le valeureux héros occidental n’en reviendrait pas du détroit de Messine d’aujourd’hui !
J’en profite pour rappeler brièvement à l’équipage la nécessaire confiance dans le Kapitaine
, et la non moins nécessaire stricte obéissance aux lois du bord, source de survie individuelle dans les moments difficiles.
Si ça se trouve, le pauvre gars à l’avant du bateau, un peu plus haut, il n’avait pas écouté son Kapo.

Le calme nous saisit en doublant la Punta Pezzo, sur la rive italienne.
Par la suite, le vent se lève du Nord à 15 puis 20 nœuds, et c’est à 8 nœuds de vitesse fond, sous génois et GV en ciseau, que nous achevons le passage.
Plus tard, la côte nous dévente, et nous débouquons le détroit, à la Punta di Pellaro.

Les Italiens sont citoyens d’une grande démocratie, et comme nous, ils ont des criminels pyromanes pas assez criminels pour être inquiétés, des Régions, et des Subventions, et les Canadairs qui vont bien pour éteindre les feux, nombreux l’été en Calabre, où les paysans maintenant nourris par les grandes surfaces, ont cessé d’entretenir la nature, comme ils le faisaient dans le passé proche, la pelle ou le fusil au bras, on ne sait jamais, mon bon Monsieur, s’il y avait un pyromane ou un malfaisant.
Et comme chez nous, les pilotes sont des as.


Tandis que l’Etna veille sur tout cela sans relâche …

… ainsi que sur le sommeil des marins épuisés.

En mer, ce 17 juin 2012
Kapo Züd
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