S/Y AMARANTE
09h00
Au bureau – fermé - du port, qui ouvre à 08h30, on rencontre des anglais sympathiques (si !) ayant eux aussi trouvé porte close, qui vous disent, fatalistes : it’s Italy !
Comme ils disent probablement la même chose de la France, leur sympathie est sûrement circonstancielle. It’s GB !
On ne peut pas aimer Capri pour l’accueil et le confort de son port, rendez vous des barques napolitaines, « con tutti le panciati e pelosi capitani e le loquace mamme mostrando loro parti molli all'aperto ».
(*) avec leurs capitaines velus et pansus et leurs mamas loquaces exhibant leurs parties charnues à l’air.
On aime Capri pour ses panoramas surtout, et puis, ça fait bien dans le Livre de Bord d’y être passé une fois dans sa vie de navigateur.
En tous cas, si Capri est un rêve, ce n’est surtout pas pour le portefeuille: à 270 € la nuit, Capri, va bene una volta, et finito : je crois que j’y reviendrai pas un jour.
Capri, que nous quittons à 15h00 le 03.06.2010 ne nous permet pas de ravitailler en carburant : un moteur à coque profilée palabre avec le pompiste, tandis que deux canotatouristes, à couple, et deux qui attendent, l’air déterminé, nous font abandonner.
Il reste les ¾ dans la caisse à GO : on appareille !
Direction Porto Cervo en Sardaigne.
Voilà, Capri, c’est çà aussi. J’aime bien la Marina Piccola : ça gouleye !
Ah ce défilé des Iles Pontines : Capri, Ischia, Ventotene, Grappa et les ombres et feux de Ponza tard dans la soirée : un rêve de navigateur à cette saison.
La Fratrie se restaure et admire.
17h00
Il est procédé à un exercice d’homme à la mer (MOB dans la Langue de Bœuf, que nous noterons HAM dans la Belle Langue) et le Journal de Bord se voit annoter ainsi :
« L’Equipage, valeureux, s’entraine et montre un bel enthousiasme à la manœuvre. »
En préparation de notre traversée vers la Sardaigne, une organizazion de Bord appropriée (BOA) est mise en plazt par le Kapitän Trude.
En pratique, la célèbre manœuvre de l’Amiral Boutakov et le principe de récupération du macchablheureux zéquipier sous le vent du navire en approche ralentie et dérivante sont expliqués lentement (Sauvetage d’Equipier Contrôlé : SEC)
Le bouton HAM est enclenché sur le traceur de cartes, et la bouée ‘fer à cheval’ (FAC) lancée, tandis que le jet de la perche de repérage IOR et de la ceinture de traction sont eux, simulés : normal, es gibt scheise à nettoyer.
L’équipage est rendu ensuite à son autonomie déviante: l’Organisation Libre (OL), Ach !
A la remise en route, il sera noté une marque au Journal de Bord :
17h00 : BOA SEC et FAC HAM OL (Ce se lit : Bois sec, et F... Them All)
Ce que nous fîmes, d’une part, et proférèrent à voix forte d’autre part, instantanément.
Après un tel effort, l’ équipage, à cheval sur la tradition, scelle celle-ci, d’une lampée respectueuse.
Je vais te dire : la grappa, elle n’est pas frappée, elle est cognée, et le Limoncello de Castellammare, il est pâteux.
19h00
Au dehors, les vrais marins : les pêcheurs, travaillent.
Ils s’accrochent, pendant qu’on les bassine avec le réchauffement climatique, les quotas de thon rouge, les règlementations et avis de commissions adhoques, démocratiques, normatives, cohérentes, pourlebiendautruisantes, pourlebiendétruisantes, autonomes, incontrôlables, hallucinantes, infantiles, désespérantes…
Assieds-toi et attends la mort : tu tues la planète ! Arch ! La Europaïsche Kommission s’occupe de ton bien le plus précieux : ta liberté.
20h00
Isola Ventotene
Et Ponza
Le temps est couvert.
La nuit est agitée avec une petite houle rancunière de Nord-Ouest, avec grains de pluie insistants, et un vent moyen de 15 nœuds qui fait exprès de rester à 20° de la ligne de foi sur Tribord, rendant impossible l’établissement des voiles.
On navigue donc au moteur, en gardant juste un bout de GV pour appuyer le navire.
Ah la ligne de foi ! Il y croit le marin à la ligne de foi (*) de son navire. Que Neptune me pardonne, il ne peut pas faire autrement le pôvre.
(*) Je vais te dire mon LN, la Ligne de Foi, c’est l’axe longitudinal du navire, virtuel, bien entendu, impalpable, imaginaire, nécessaire, intuitif, présent, référent, utile, indispensable (comment pourrais-tu dire Bâbord ou Tribord sans elle).
Enfin, bref, on navigue, et nous voilà arrivés à la fin du quart, et j’ai sommeil, et je vais mal dormir, parce que l’Amarante, il n’aime pas qu’on lui tire sur la couenne. Forcément, on navigue comme des terriens : avec le Temps (celui qui passe, pas la météo). Mais le Temps, en mer, ça ne compte pas, tu sais. P… de Temps. Le Marin, lui, il navigue en fonction de la mer et du vent.
Alors on bourre dedans au moteur: 7,5 nds de moyenne, quand même !
Mais même comme çà, il se comporte vraiment bien, Amarante : il est correct. Et puis il est beau tu sais, c’est un Navire, un vrai.
Captain Troude
En mer dès l’aurore, ce 3 Juin 2010.
Remember : BOA SEC et FAC HAM OL !