1977 – M/V SI KIANG

 

 

 

         

 

 

Le navire.

 

Type: Navire de charge conventionnel de type « 8300 »

 Lancé le 1er juin 1957 à La Ciotat

 

Longueur: 149 mètres
Largeur: 18,8 mètres

Jauge brute: 6997 tx
Port en lourd: 9830 tonnes

Déplacement: 13 800 tonnes
Passagers: 6 passagers
Propulsion: moteur diesel deux temps Burmeister et Wein – 1 hélice
Puissance: 8300 CV
Vitesse: 16 noeuds

 

 

 

Mon embarquement.

 

J’embarque comme lieutenant pont avec la fonction de lieutenant-commissaire, c’est à dire chargé de la cambuse et de la paye. En ce temps-là en effet, les marins peuvent se faire payer à bord en liquide, ce qui crée parfois des drames familiaux.

 

Le voyage est assez inhabituel : nous chargeons au Havre le réceptacle d’essai de la bombe atomique française.

C’est une sorte de ballon de rugby en acier de 20 mètres de diamètre, qui est coulé dans du béton à 100 mètres de profondeur dans le lagon de Mururoa.

Il est paraît-il destiné au dernier essai nucléaire réel dans l’atoll. L’explosion sera ainsi analysée au nanoseconde par des capteurs reliés à la surface. Les évolutions ultérieures de notre bombe atomique seront de ce fait modélisées.

 

La cargaison du navire est donc le ballon élingué sur le pont, quelques engins de terrassement et 5 000 tonnes de ciment en cale à destination de « Muru » en direct.

 

 

 

 

Au départ du Havre, c’est le grand cirque : nous sommes survolés à plusieurs reprises par un Bréguet Atlantic de la Marine Nationale. Pendant le chargement et jusqu’au départ, le navire était militairement surveillé.

Une fois en pleine mer : plus personne. Il y a bien cet officier pont fraîchement embauché par la Compagnie, qui sent un peu son « forces spéciales »…

 


Quand le navire passe les Açores, les officiers se mettent en blanc d’été tropical.

 

 


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A l’arrivée à Mururoa, le déchargement se fait en quatre jours, et nous sommes bien reçus par la Légion qui assure la sécurité de l’île.

La Légion Etrangère sait recevoir et faire couler la bière.

 

 

 

 

Le commandant de la Base met à notre disposition la navette aérienne vers Papeete. J’en profite et vais y passer deux jours entre mes deux tours de garde.

J’ai en effet quelques connaissances à Papeete, de mon dernier séjour forcé lors de mon débarquement sanitaire du Zeebrugge.

 

 

Papeete.

 

Le Radio a prévenu les copines par télégramme, et la « brrrrringue » est organisée pour le soir de l’arrivée.

Orchestre tahitien, tamourrrrré, colliers de fleurs au carré où le cuisinier nous a organisé un buffet de folie, et fin de soirée au faré d’un des invités.

  

Jeune polynésienne Pacific Island femme Tahitian danseurs - Photo

 

 

La fête se terminera le lendemain avec un repas traditionnel avec four enterré : un « ahima’a », pour ceux des officiers qui ne sont pas de garde.

 

 

Ahima'a – El horno tradicional tahitiano – Reo Tahiti México

  

Le bateau, lui, charge doucement du coprah au mât de charge : ça prend du temps… et des mouches. Le coprah est farci de petites mouches noirs qui adorent la peau de « uouo », les métros .

 

  

 

 

 


Nouvelle Zélande.


Le chargement de retour prévu consiste en balles de laine de Nouvelle-Zélande avec quatre ports d’escale : Auckland, Christchurch, Timaru et Bluff Harbour (Invercargill).

 

 

 

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A Auckland, c’est une arrivée triomphale : les journaux locaux ont tiré en grand que le Si-Kiang venait de décharger le réceptacle de la bombe A française à Mururoa….

 

Le port est bloqué, la ville en grève, des manifestants sont retenus à l’extérieur du port par des cordons de policiers.

 

Le bateau attendra 8 jours que l’ambiance se calme pour pouvoir enfin charger quelques caisses de conserves.

 

Entre-temps, la vie s’organise.

Visite des sites volcaniques de Rotorua.

 

 

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 Voyant tous les soirs un défilé de noceurs festifs sur le bateau anglais amarré en face de nous, un des matelots s’y immisce et nous rapporte que les anglais ont une boite de nuit à bord et que ça attire du monde, surtout féminin…

 

 Il faut dire qu’en nouvelle Zélande en 1977, la proportion de femmes est supérieure à celle des hommes, et la pédérastie bat son plein ce qui est normal pour un pays anglo-saxon.

 

Le lendemain, avec l’accord du Pacha, le Maître Charpentier les officiers et les matelots s’attaquent à l’ouvrage, et la dunette arrière est transformée en bar de nuit. Alors avec un peu de racolage et la réputation française, dès le soir de l’ouverture, il y a foule au bar.

 

 Ce qui est incroyable, c’est que quelques demoiselles suivront le bateau par la terre, et que certains retrouveront ainsi leurs conquêtes d’Auckland dans les ports suivants.

 

 

Au total, nous resterons un mois et demi en NZ, car les dockers rechignent à nous charger.

Pour finir, l’agent de la compagnie nous enverra dans un nouveau port au sud : Bluff Harbor, qui n’a pas de dockers, et le chargement sera effectué par le bord moyennant coquette rémunération.

 

Même les officiers s’y sont mis…

 

 

 

le cargo de 8300 tonnes SI-KIANG des Messageries Maritimes

 

 

La route retour vers Thessalonique en Grèce par Suez est un cas d’école d’Hydrographie…

 

 

Nous appareillons de Bluff avec un ciel de mousson chargé. Le radar est en panne, et le ciel étant couvert, sans point d’étoiles ou droite de soleil, nous devons prolonger la dernière position connue à l’estime pendant les 13 jours de notre traversée de 8500 milles vers le cap Gardafui.

 

 

 

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Lorsque le point le plus défavorable de notre zone de position estimée touche la côte somalie, le Commandant mets le sondeur en route et modifie le cap pour naviguer presque parallèle à la côte, en s’en rapprochant.

 

Et on finit par voir la terre, côte basse et sableuse, mais truffée d’épaves qui servent utilement d’amers.

 

A l’arrivée à Thessalonique, le Commandant me laisse seul en passerelle jusqu’à la prise de pilote : je suis un peu fier… Il faut dire que nous naviguons ensemble depuis huit mois que nous sommes partis du Havre !

Un grand Commandant : présent dans les coups de tabac, sans intervenir, un fin marin qui fait confiance à ses officiers et son équipage.

 

 

C’est ici que je débarque. Un évènement familial des plus importants m’appelle à terre.

 

 

1977

 

 Caposud

 

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