M/V VAUCLUSE

Compagnie des Messageries Maritimes 
Le navire.
Longueur HT: 156.5 m puis 175.2 m après juin jumboïsation en 1972
Largeur: 19,7 m
Jauge brute: 7 600 tx puis 7 800 tx
Port en lourd: 9480 tonnes puis 11840 tonnes
Déplacement: 15 445 tonnes puis 18 540 tonnes
Passagers: non
Propulsion: moteur Sulzer deux temps
Puissance: 14400 CV
Vitesse: 18 noeuds
Lancé le 20 novembre 1964 à La Ciotat.
Sisterships » de VAR et VIENNE.
Assure la ligne d’Australie et du Sud-est Asiatique de 1965 à 1972.
Jumboïsé en 1972 à Lisbonne.
Ajout d’une grue électrique et adaptation au transport de conteneurs.
Passe en flotte de la CGM en 1977
Vendu en 1981.
Embarquement.
J’embarque le 20 juillet 1974 comme lieutenant pont, à Dunkerque, au sortir de ma troisième année d’Elève Officier.

Je prends le poste de lieutenant « navigation ». Quand on embarque seul comme lieutenant pont et qu’on est le plus jeune, on se retrouve quasi certainement à ce poste.
C’est celui de l’officier qui corrige les cartes, et prépare les routes de navigation avec le commandant. Il a la charge du démarrage et de l’arrêt des appareils de passerelle, et de la préparation des appareillages.
Il y a dix officiers à bord, pour un effectif total de 44 marins et personnels ADSG (Aides du Service Général = hôtellerie et cuisine) : Commandant, Second Capitaine, deux lieutenants pont, Chef Mécanicien, Second Mécanicien, deux lieutenants machine, le radio et un élève.
Le navire est un des premiers à posséder une commande à distance de la machine depuis la passerelle, mais outre le peu de goût pour le changement des officiers traditionnels, les automatismes électropneumatiques sont peu fiables, donc l’effectif est celui d’un navire « classique » avec quart continu à la machine.
Cette montée de la coupée du Vaucluse en escale à Dunkerque, embarquant comme lieutenant à 22 ans est un beau souvenir de satisfaction et de plaisir des sens.
Nous appareillons pour la « tournée du nord » : la tournée de chargement.
Nous escalons à Anvers, Rotterdam, Le Havre, La Rochelle.


Les escales des navires conventionnels sont longues de deux à trois jours: les marchandises sont en caisses, fûts, sacs, il y a même du matériel roulant.
Tout cela est chargé à la grue de quai, sur palettes, en filets, ou par colis élingué.
Au port, nous sommes en service de garde 24/48. L’officier de garde est chargé de la sécurité du bord, amarrage, incendie et accès à bord.
Ce régime permet d’aller à terre. Mes collègues lieutenants connaissent la ligne et savent où aller en escale pour emplettes, restaurants et bars sympas.
Le navire dessert la ligne du Pacifique : Tahiti, Nouméa, et pour ce voyage : les Nouvelles-Hébrides.

Le Vaucluse est un cargo conventionnel sur le pont duquel ont été soudés quelques sabots de conteneurs, les premiers de la Compagnie.
Le navire est à la mer, et l’équipage travaille dans l’équipement et les conditions de sécurité de l’époque… tandis que le second a fait mâter grue et mâts de charge à la mer pour effectuer la maintenance. Quelle liberté !

Exercice de mise à l’eau d’un canot en escale à Papeete.

Pendant la descente, le matelot sécurise habilement l’échelle d’une main, et assure sa sécurité de l’autre en cas de chute… Pas de problème : c’est une corde à nœuds !
En mer, dans le Pacifique, l’officier de quart assure le relevé d’une droite de hauteur au sextant.


Le marché à Port Vila aux Nouvelles-Hébrides
Quand nous quittons Port Vila, une heure après l’appareillage, alors que je suis de quart, le Commandant, un vieux des paquebots, parfait pour un jeune lieutenant, arrive à la passerelle avec un passeport à la main en hurlant : ma copine, elle a oublié son passeport !
Nous faisons demi-tour, faisons la descente en allure, nous présentons devant la jetée, où un remorquer affrété pour l’occasion vient récupérer le passeport, avec l’agent à bord.
C’était encore la grande époque des commandant de paquebots arrivés aux cargos à la vente des navires à passagers de la Compagnie, qui passaient leur temps d’escale à collectionner les conquêtes, et qui pouvaient décider de dérouter un navire et engager des frais de port pour le passeport d’une fille de joie.
A Nouméa, nous déchargeons l’avitaillement de l’île en voitures, vivres, machines, meubles. Les navires des Messageries sont le poumon de l’île.
Nous repartons avec de la matte de nickel en vrac et de l’huile de coprah.
L’huile pue et pendant quelques jours, nous sommes infestés de mouches de Coprah.
Entre Nouméa et Papeete, au retour, nous coulons un coussinet de tête de bielle sur le moteur principal. Nous stoppons deux jours en mer pour isoler le cylindre et déconnecter la bielle du piston. Le moteur sera équilibré en isolant l’alimentation sur deux autres pistons pour permettre de tourner à bas régime et gagner Papeete.
Pendant les longues heures d’attente, l’équipage pêche le requin avec une joie morbide.

Nous ne trouverons pas de restes dans son estomac, mais son cœur continue à battre dans la main du cuisinier pendant de longues minutes.

Escale à Papeete.


Je débarquerai à Dunkerque, le port d’attache du navire et siège de la Compagnie pour partir en congés et rejoindre en septembre 74 le CIN de Brest pour effectuer mon service militaire comme Officier de Marine.
Ce sera un bon moment.
Mon classement aux EOR me permettra de rejoindre un navire en opération dans le golfe de Gascogne comme Officier en troisième. Le Dragueur Côtier Cassiopée est affecté à la surveillance des pêches et à la protection de la zone maritime du centre d’essais de missiles des Landes.

Le Capricorne, sistership du Cassiopée
Le bâtiment a été équipé d’un chalut soi-disant pour récupérer les têtes de missiles flottantes non explosées, mais le système, inefficace, ne sert plus qu’à pêcher du poisson, ce que l’équipage, sélectionné parmi des gars de l’Ile-Dieu, exécute parfaitement.
J’aurai volontiers « rempilé dans la Marine, mais mon Armement me « marque à la culotte » et dès la fin de mon service, je suis joint par télégramme pour embarquer sur un gazier en sortie de chantier: le Pascal. Mon temps d’élève sur le Mariotte m’a un peu spécialisé…
Aout 1974
Caposud
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